La Légende: Les Sorcières de Salem
Les sorcières de Salem
Jusqu'au 16ème
siècle, les procès de sorcières n'étaient pas chose rare. L'un d'eux
est cependant resté gravé dans l'histoire américaine. Pendant l'été de
l'année 1692, dans le village de Salem (Massachusetts), huit jeunes
filles, dont la nièce et la fille du pasteur, entrent en transe : elles
tiennent des propos incohérents et présentent des « postures
indécentes ». Différents médecins sont consultés mais aucun ne décèle
de symptômes connus et l'un d'eux finira par suggérer au pasteur
qu'elles ont été ensorcelées ! Déjà de quoi choquer la communauté
puritaine mais c'était sans compter sur la série d'accusations que les
filles allaient porter : Tituba, l'esclave du pasteur, ainsi que deux
vieilles veuves seront accusées sorcellerie et emprisonnées. S'en
suivront deux femmes respectées de Salem et après quelques semaines,
plus de 60 personnes auront subi le même sort. En septembre 1692, 20
hommes et femmes jugés par le tribunal local seront exécutés. Les
autres devront attendre : les comparutions sont reconduites. Devant
l'ampleur des événements, c'est la cour suprême qui, en janvier 1693,
poursuivra le dossier et finira par acquitter tous les accusés. Au mois
de mai, le gouverneur ordonne la remise en liberté de plus de 150
accusés et met ainsi un terme à la tragédie des sorcières de Salem.
Cet épisode a tellement frappé les esprits du nouveau monde que de
nombreux historiens ont proposé différentes explications. Chaque
validation ou réfutation en est revenue à répondre à la même question :
comment 8 filles de famille puritaine auraient-elles pu avoir
simultanément des comportements aussi insensés ?
Près de 300 ans après, Linnda Caporael, psychologue du comportement à
l'Institut Polytechnique Rensselaer de New York, s'est intéressée aux
similitudes entre les symptômes des filles de Salem et ceux de malades
qui ont absorbé les spores d'un parasite qui infecte les grains de
seigles : l'ergot. Ce champignon est en fait bien connu en Europe, sous
les noms de « Mal des ardents » ou encore « Feu de Saint Antoine ». Il
provoque de violents spasmes musculaires, des hallucinations et
l'impression que des bêtes vous courent sous la peau !
C'est l'Abbé Teissier qui en a découvert ce mal en 1777. Nous savons
maintenant qu'il s'introduit dans notre organisme par le système
digestif lorsque nous mangeons du pain de seigle infecté, par exemple.
L'ergot de seigle est un champignon microscopique de la classe des
ascomycètes et de la sous-classe des pyrénomycètes. Il se développe
dans les grains lorsque ceux-ci mûrissent et leur donne une écorce
violacée (le scérote) qui rappelle l'ergot du coq, d'où le nom donné à
la maladie : l'ergotisme.
Le champignon ne se développe que lorsqu'il fait chaud, humide et
pluvieux pendant le printemps ou l'été. Ces conditions étaient
précisément réunies pendant l'été qui a précédé l'affaire, le journal
intime d'un habitant de Salem où ont été décrites les conditions
climatiques en 1692, en atteste. Linnda Caporael avait cependant besoin
d'une confirmation avec des témoignages plus récents, et c'est en
France, dans le village de Pont-St-Esprit dans le Gard, que ses espoirs
se sont portés. En effet, le village languedocien a été victime de la
dernière attaque de l'ergot en 1951. C'est notamment grâce aux
descriptions similaires des comportements anormaux des chiens affectés
à Pont-St-Esprit et à Salem qu'elle a pu renforcer sa théorie et
conclure son enquête : les jeunes filles étaient malades et non
ensorcelées.
Des études scientifiques ont été menées sur le champignon depuis et ont
montré que l'ergot est un alcaloïde polycyclique, dérivé naturel de
l'acide lysergique, qui atteint le système nerveux central et provoque
les contractions musculaires et autres symptômes que certains ont
appelé autrefois de l'ensorcellement. Remarque intéressante, la plupart
d'entre nous ont déjà entendu parler de cet acide lysergique qui parait
être si démoniaque mais sous un autre nom : LSD !